J’habite à Charly, un petit village de Haute-Savoie situé à une vingtaine de kilomètres de Genève. C’est un très bel endroit, entouré de forêts peuplées d’animaux sauvages, de pâturages, de rivières, avec une cascade et un petit étang. Le village s’organise autour d’une charmante chapelle classée aux monuments historiques. Il y a une fontaine en pierre où les jours d’été, les enfants jouent à s’éclabousser. Une petite maison ouverte aux pèlerins de Saint Jacques de Compostelle voit se succéder, d’avril à octobre, des pèlerins venus de toute l’Europe.

Depuis quelques années, avec plusieurs familles du village, nous nous sommes réunis en association pour mettre en place des activités et des projets visant un vivre-ensemble plus convivial et plus respectueux du vivant. Un ciné-nomade s’invite chez les habitants pour découvrir des films peu connus qui font voyager. Des concerts sont organisés dans la chapelle les jours d’hiver, sur la place du village par les chaudes soirées d’été. Une épicerie participative a été mise en place, où l’on peut trouver des produits locaux, biologiques et solidaires, ainsi qu’un petit marché avec de délicieux légumes issus de la « ferme nourricière » du village nouvellement constituée et à laquelle plusieurs d’entre nous contribuent. Il y a deux ans, entre deux vagues de covid, une « rencontre participative » a été organisée afin de penser ensemble le futur du village. Elle a réuni plus de 50 personnes ce qui, pour un petit village comme celui-ci, est assez impressionnant. Un réseau s’est aussi constitué pour trouver rapidement ici du covoiturage, là une garde d’enfant, ou encore une échelle ou une perceuse à emprunter.
Pour générer toutes ces initiatives et tous ces projets, il n’y a ni leader, ni chef. L’association fonctionne suivant les règles de la gouvernance partagée (1) à laquelle une bonne partie des membres de l’association s’est formée.

Dans ce village, il y a aussi des cercles d’hommes et des cercles de femmes qui se réunissent chaque mois pour partager, méditer, se soutenir, se clarifier en conscience. Il y a plusieurs personnes qui jardinent en coopération avec les intelligences de la nature. Et aussi plusieurs personnes qui, comme moi, travaillent avec les états modifiés de conscience.

S’il y a bien sûr, comme dans tout village, parfois des tensions, voire ponctuellement des conflits ouverts, je me sens extrêmement heureux et privilégié de pouvoir vivre dans ce village vivant et créatif et de participer à une telle aventure collective.

Pourquoi est-ce que je parle de tout cela dans cette newsletter d’Holoniis, et quel rapport avec la psychologie transpersonnelle et intégrale, me direz-vous ?! D’abord parce qu’à mon sens, nous entendons beaucoup parler en ce moment de destructions et de catastrophes en tout genre, mais n’entendons que trop peu parler de l’émergence de toutes ces initiatives locales qui ont lieu, j’en suis convaincu, dans les quatre coins du globe, et qui sont créatrices d’une nouvelle façon d’habiter le monde et de vivre ensemble. Ensuite parce que de telles dynamiques collectives sont à n’en pas douter la marque de la transition progressive vers une société trans-personnelle, une société qui transcende et inclut les intérêts personnels, et réconcilie les dimensions individuelle et collective. Une telle dynamique collective n’apparaît pas toute seule. Si toutes ces activités existent, c’est parce que des collectifs d’habitants les créent, les nourrissent, les font croître. C’est parce que ces collectifs apprennent à fonctionner autrement, à voir plus large et plus vaste et à se reconnaître comme une partie d’un tout plus vaste, auquel ses membres choisissent de participer, en conscience.

Cela peut bien sûr ressembler à la solidarité qui existait déjà dans nos villages il y a plusieurs décennies voire siècles, mais c’est je crois tout à fait différent. A l’époque, la conscience était pré-personnelle, et le collectif non seulement primait mais écrasait l’individuel, dont la survie était conditionnée par le collectif. A présent, cette participation se fait à partir d’un choix conscient, libéré du carcan des obligations et des traditions, et avec le plaisir de participer à une création collective. C’est beaucoup plus créatif, plus dynamique, plus inclusif et plus vivant.

Dans ce petit village de Haute-Savoie, comme dans d’innombrables autres villages, éco-villages éco-quartiers ou habitats partagés, un nouveau monde est en train de s’inventer. Et ce n’est que le début d’une transition planétaire, que rien ne peut arrêter.

Bien chaleureusement,

Johann

(1) Pour découvrir la gouvernance partagée, voir l’Université du Nous en France, et l‘Instant Z  et Présence active en Suisse Romande et zone frontalière.